Depuis que je sais lire, j’ai lu, feuilleté, dévoré des centaines de magazines et revues : à sept ans et des poussières, ma soeur et moi nous basions sur les fiches-recettes de Femme Actuelle pour concocter les repas du samedi midi (il m’en reste d’ailleurs un très bon souvenir d’escalopes de dinde façon dijonnaise), les posters tirés des magazines pour ados jonchaient le sol et tapissaient les murs de ma chambre, les féminins firent leur entrée avec Jeune et Jolie (et pourquoi pas Vieille et Moche ?) puis très vite ELLE car il avait au moins cet avantage sur le précédent de comporter des pages littérature et cinéma. Encore aujourd’hui, mon coiffeur me garde les fiches-recettes du ELLE car la divine Élisabeth Scotto les maintient à un très haut niveau, mais si je continue à les feuilleter chez le médecin, c’est d’un oeil de plus en plus distrait, car leur contenu à tous est quand même faiblement renouvelé. Qui plus est, avec mes années de pratique, l’excitation de la découverte du dernier motif vestimentaire à la mode a fait place à une monotonie, une sensation d’ennui en tournant des pages de papier glacé où les modèles, les actrices interviewées à l’autre bout du fil (Paris-L.A.) et le-maillot-de-l’été-à-la-coupe-avantageuse sont absolument interchangeables. Certaines de mes copines les surnomment les « vide-cerveaux ».
Au lycée où je préparais le bac littéraire, j’étais abonnée à Beaux-Arts magazine et dans la chambre de notre dortoir nous nous échangions Le Magazine Littéraire qui formait une base pédagogique à l’élaboration des disserts de philo comme de lettres et fournissait un bon répertoire d’auteur(e)s. Puis il y a eu Le Matricule des Anges, La Quinzaine Littéraire, le cocasse et fantaisiste Tigre (découvert au Festival de B.D. de Colomiers).
Et, cet été, j’ai découvert un nouveau « féminin » qui m’a plu parce que, surtout, il n’en n’est pas un, ou plutôt il n’est certainement pas que ça.
Pour donner le ton (éditorial) muze est un mook* : ce mot est la contraction des termes magazine + book, et si le mook n’appartient ni véritablement à l’un, ni totalement à l’autre, il a tenté de créer un format hybride, une expérience de presse qui se love dans les rayons des librairies. muze est un trimestriel édité par les éditions Bayard. À ses manettes, la rédactrice en chef Stéphanie Janicot, également romancière, propose une ligne éditoriale très culturelle. muze propose beaucoup de dossiers consacrés aux arts plastiques, à la littérature dont les auteur(e)s sont féminines, souvent. J’apprécie notamment l’onglet « Atelier d’écriture », dans lequel chaque numéro donne à lire les conseils d’un(e) auteur(e), les nouvelles de lectrices et/ou d’écrivain(e)s publié(e)s.
Sur le bandeau de la couverture, c’est le titre du dossier « La peau, livre de nos émotions » qui a retenu mon attention et m’a finalement poussée à acquérir ce volume. Une très belle interview avec la dermatologue Danièle Pomey-Rey lui est consacrée, où la peau est abordée sous toutes ses coutures, comme une extension du cerveau dans la vie foetale, comme un étalage de nos émotions et affects à l’âge adulte. D’autres thèmes centraux pour la peau sont abordés : le tatouage, la scarification, le blanchiment, la pigmentation, les rapports subtils (et impossibles ?) entre le cinéma et la peau, entre la littérature et la peau.
C’est d’ailleurs l’occasion de découvrir ou de relire l’excellente Régine Detambel, kinésithérapeute de profession et merveilleuse romancière : elle est interrogée au sujet du toucher, elle qui a fait du corps le thème central de son oeuvre littéraire. La lecture de son très beau Petit éloge de la peau m’avait offert beaucoup de bien-être. J’en ai fait un petit talisman dans lequel je me replonge régulièrement : l’écriture très travaillée, érudite et profonde de Detambel nourrit et guérit. Enfin, cela est subjectif mais si vous la connaissez, dites-moi ce que vous en pensez. « Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est sa peau » (Petit éloge de la peau, Saucissonnades, p. 51).
————————————————————————————-
*Il faut rendre à César…Terme déposé en 2007 par Henri Dougier, alors patron des très bonnes Éditions Autrement, pour la revue thématique qu’il venait de créer et qui devint le nom générique appliqué à ce format transgenre.