Charlotte Perriand, mémoires solaires

« Rien n’est dissociable, ni le corps de l’esprit, ni l’homme du monde qui l’entoure, ni la terre du ciel », Ch. Perriand, Une vie de création, Odile Jacob, 2005, p. 17.

J’ai toujours aimé le travail de Charlotte Perriand. Ses réalisations en ameublement ou en architecture sont fonctionnelles, sobres et en accord avec l’environnement dans lequel elles prennent place : vie urbaine, stations d’hiver, appartements sous combles… Elle, la petite gamine de la Place du Marché-Saint-Honoré, bercée au milieu des tissus et des aiguilles, se souvient en un flash d’un épisode marquant pour toute sa vie future : vers l’âge de dix ans, un court séjour à l’hôpital lui fait détester l’appartement paré de bibelots de ses parents. Elle trouve ce lieu trop chargé à son goût et « pleure » parce qu’elle se sentait si bien dans les espaces blancs, dépouillés de l’hôpital.

Charlotte Perriand, Une vie de création

Charlotte Perriand, Une vie de création


De ce livre destiné à nous renseigner sur la formation, l’oeuvre et la vie de Charlotte Perriand, on ressort dynamisé, aiguillé vers des sommets de minimalisme, de fonctionnalisme et d’équilibre. J’entame avec grand bonheur la relecture de cet ouvrage qui retrace la vie foisonnante d’une jeune fille animée d’une joie créatrice hors du commun, bien déterminée à faire entendre sa voix dans un univers souvent dominé par les hommes -l’architecture- et pas des moindres, puisqu’elle travailla principalement avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret, mais aussi le peintre Fernand Léger.
Comment la définir ? Définitivement « moderne », en réaction aux dogmes traditionnels, c’est aux côtés de Fernand Léger, Pierre Jeanneret et Le Corbusier qu’elle lutte pour défendre un projet de l’art d’habiter où l’homme est au centre, et pas l’objet. C’est sans doute parce qu’elle a fait de ce précepte la ligne directrice de toutes ses recherches que les meubles qu’elle a dessinés et vu réalisés sont confortables et devenus des classiques du design aujourd’hui.
En parallèle, Charlotte Perriand s’empare des questions d’hygiène et de salubrité liées à l’habitat collectif. Les très mauvaises conditions de vie qui étaient celles de beaucoup de franciliens dans l’entre-deux-guerres mènent Charlotte Perriand à ce constat : comment habiter les villes au XXe siècle ? Pour la fillette d’ascendance savoyarde qui a grandi dans la campagne Bourguignonne jusqu’à ses trois ans, le grand air, le soleil et la présence des potagers sont fondateurs. Elle s’attacha à lier l’homme à ses environnements d’habitat et de travail. Plusieurs voyages au Japon (1940-1941, 1954) lui permettent de confronter ses projets d’ameublement et d’architecture avec les traditions japonaises dans lesquelles les matériaux diffèrent de ceux qu’elle connaît en Europe : la grande place occupée par le bambou et la maîtrise du papier, extrêmement présent dans l’ameublement nippon (papier de riz).
Récemment, Louis Vuitton a financé comme mécène « La petite maison au bord de l’eau » dont les esquisses préparatoires remontent de 1936 (quelques images). Décédée en 1999, Charlotte Perriand n’aurait pas dit non à un bon bain de soleil sur la terrasse centrale.
Charlotte Perriand, Une vie de création, Odile Jacob, Paris, 2005, 425 pages.

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