Voilà une bande dessinée sur un thème très difficile et grave. Une bande dessinée qui explore finement et profondément les limbes d’une pathologie répandue mais pas toujours bien connue, l’anorexie chez les adolescents et les adolescentes. Avec une empathie sincère et une subtilité rare, le scénariste Hubert et l’illustratrice Marie Caillou nous offrent une petite perle. Cette première collaboration sera suivie par d’autres.
Une adolescente et un adolescent obsédés par le nombre de calories qu’ils avalent et la petite once de graisse ou de chair qui pourra mettre à plat (ou plutôt en relief) les efforts consentis pour anéantir ce corps qu’ils veulent par-dessus tout contrôler à l’excès. Les raisons en sont différentes, l’effet produit est le même ; chacune et chacun y parvient par ses propres tactiques d’évitement : ne pas être tenté(e) en éliminant tout bonnement les produits du placard, choisir ses plats préférés longuement préparés avec méticulosité et finalement jetés. Poids de l’éducation judéo-chrétienne qui annule la dimension sensuelle de la chair, du corps, négation de l’enveloppe charnelle. Absence de manifestation affectueuse verbale et protectrice de la mère.
Les deux ados se croisent sur le pallier du cabinet de leur psy. Mille et une choses en commun les relient, le mal qu’ils partagent et les détruit les lie. Jusqu’où ? Dans le titre, je lis l’araignée dans deux sens : comme l’arachnide qu’ils composent avec leurs deux corps maladivement fins, et comme la pièce maîtresse du steack de boeuf, hyper tendre et charnue, au délicieux goût de noisette.
Je connaissais principalement le travail de l’illustratrice Marie Caillou par ses images gaies, aux coloris vifs, au trait sous influence japonaise, où elle est d’ailleurs reconnue. Ici, la palette des couleurs est toute en demi-teintes, collant aux états d’âme et près des corps errants des deux protagonistes. Bonne lecture…
La chair de l’araignée, Hubert (scénario) / Marie Caillou (dessin, couleur), Glénat BD, Collection 1000 feuilles, 2010, ISBN 978-2-7234-6493-2.
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Jolie chronique pour un sujet essentiel.
Quand la souffrance est trop profonde, elle s’inscrit dans le corps. Quand on ne parvient pas à maitriser ses maux de l’âme, on tente la maîtrise de son corps. Parce que se sentir dépossédé de son âme, c’est insupportable. Alors, c’est le corps qui doit subir.
Et oui, ce corps est dépourvue de sensualité. Il doit juste s’effacer pour disparaître enfin, avec son âme et les souffrances qui l’habite.
Cette bande dessinée est très belle. Pleine d’espoir aussi, car il y a de l’amour. Et c’est avec l’amour que la sensualité refait surface, et que le corps reprend son rôle d’enveloppe charnelle pour soigner l’âme blessée qui s’y cache. A moins que ce ne soit le contraire.
Si j’avais pu mettre cette bande dessinée entre les mains de certaines de ces adolescentes que j’ai accompagnées…