Intérieur, Gabriella Giandelli

 

Intérieur, Gabriella Giandelli, Actes Sud BD.

Intérieur, Gabriella Giandelli, Actes Sud BD.


J’adore Marion. J’adore Marion parce qu’elle seule peut me demander si mes jolis collants ne vont pas défunter sous l’effet d’une maille filée et si par conséquent je n’en serai pas trop attristée, j’adore Marion parce que dans la bibliothèque de ses enfants il n’y a rien à jeter, j’adore Marion parce que ses penchants végétaliens sont toujours rattrapés par son amour fou du chocolat, j’adore Marion parce que notre projet se profile plutôt bien.
J’adore Marion parce qu’elle m’a fait découvrir cette merveille de bande dessinée : Intérieur, de Gabriella Giandelli. Elle l’a choisie dans une librairie sans doute plus attirée par le discret appel Préface de Dominique A que par le contenu en lui-même… Mais ça c’était avantAvant d’ouvrir Intérieur, ce bijou tracé aux crayons de couleur, en camaïeux de gris (wouah, dément !) et rehaussé de couleurs sourdes, froides, qui résonnent comme des contre-points lumineux dans un univers urbain sous un ciel de décembre : bleu canard, jaune curry… tout en nuances et en douceur.
Intérieur est un hommage à l’imaginaire, à la puissance onirique, et aussi un questionnement sur l’efficience de nos vies. Qu’est-ce qui rend une personne riche, empathique, originale ? Le petit monde qui vit dans l’immeuble au coeur d’un ensemble urbain rêve, il rêve encore. Mais pour combien de temps ? De ce temps du rêve, sur lequel les aborigènes ont érigé leur culture, Gabriella Giandelli fait une lecture forte, pleine des promesses fécondes dont s’emplit le réservoir à rêves appelé « le Grand Sombre ». Elle lui donne l’aspect d’un ectoplasme noir, doté de deux yeux et d’une bouche qui absorbe les songes à la paille. Le Grand Sombre est relayé par le Grand Lapin, qui circule parmi les habitants. C’est lui qui nourrit le Sombre de leurs rêves. Gabriella Giandelli met ainsi l’espace densément peuplé des villes en résonance avec les traditions mythologiques algonquiennes par le truchement du Grand Lapin ou Nanabozo, intermédiaire entre le monde et l’Être Suprême. Partout, un passeur transmet un savoir -souvent thérapeutique- et fait le bien autour de lui. Je trouve qu’il y a des similitudes plus que formelles entre le Grand Sombre et le « sans visage » du Voyage de Chihiro.
J’ai dit un jour à la bibliothécaire de mon quartier, que je connaissais alors à peine- qu’on peut toujours considérer un livre comme un ami… Aujourd’hui, elle est un peu une amie, et les livres nous relient. Anne, si tu lis ce billet, tu sais que j’aurai une forte inflexion pour que tu portes Intérieur sur la liste de tes acquisitions futures !
Intérieur, de Gabriella Giandelli, 2010. Actes Sud BD, ISBN 9782742793174.

Mots et toile

Une réflexion sur “Intérieur, Gabriella Giandelli

  1. J’adore Élise. J’adore Élise parce qu’elle porte de jolis collants. J’adore Élise parce qu’elle aime partager du thé fumé avec moi en grattant sa peau dans son carnet fanzinesque. J’adore Élise parce qu’elle est touchée par Intérieur et sera peut-être sensible à la beauté des textes de Dominique Ané.

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