Atelier pour les familles !

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Work in progress # Atelier famille

 


Après l’atelier adultes, c’est à un nouveau format que vous convie la Fondation Espace Écureuil. Venez écrire avec vos enfants ! Découvrir l’exposition, tisser des liens entre les générations, savourer l’écriture du noir et des couleurs.
Mercredi 5 avril – 16h30/18h30
atelier pour les familles (parents et enfant à partir de 7 ans)

Je vous invite à observer les œuvres à travers le prisme des mots. Au commencement était le noir, éclat de noir et page blanche, gris-bouilli… de nombreuses pistes d’écriture seront proposées durant cet atelier pour les enfants et leurs parents. Créativité et joie de l’expression seront au rendez-vous.
Pré-inscription au 05 62 30 23 30 / contact@caisseepargne-art-contemporain.fr
Inscription définitive sur place : participation de 5 euros demandée à chaque famille

Mots et toile

Combien de terre faut-il à un homme ?

Combien de terre faut-il à un homme ?

Combien de terre faut-il à un homme ?


Je ne sais pas combien de terre il faut à un homme. Je dirais -naïvement- qu’il lui en faut pour le nourrir, lui et sa famille, ainsi qu’un peu plus pour qu’il cultive des denrées à vendre… C’est précisément ce « plus » que questionne la superbe adaptation d’une nouvelle de Léon Tolstoï par Annelise Heurtier (auteure) et Raphaël Urwiller (illustrateur). Un album au format à l’italienne qui a la grâce un peu désuète des images imprimées en risographie. Mais le petit nombre de teintes très vives employé dans ces pages splendides confère à l’album une contemporanéité et un dynamisme qui servent bien le propos. À savoir la cupidité et l’avidité d’un moujik (paysan russe), Pacôme, qui ne se contente pas de la vie simple qu’il mène dans son isba. Au contraire, Pacôme envie tant et plus les parcelles de ses voisins, jusqu’à en perdre la vie. Ces sentiments de frustration conduisent en effet Pacôme à l’autre bout du royaume,  à l’autre bout de son existence, qu’il imaginait toujours plus agréable, enviable et confortable au fur et à mesure des acquisitions qu’il réalise.
Les thèmes de l’envie de possession matérielle et de la (prétendue) nécessité d’accumulation font largement écho aux travers de nos sociétés occidentales, replètes et, parfois, déboussolées. La quête de la propriété, les injonctions à l’accumulation de biens : Pacôme les vit, déjà, au tournant du 20° siècle. Il ne fait pas figure de sage, s’essoufflant littéralement à rechercher l’extension de ses propriétés.
Août 2014. 40ISBN : 9782364744912.

Mots et toile

L'argent. Marie Desplechin, Emmanuelle Houdart (illustratrice).

L'Argent, Marie Desplechin, Emmanuelle Houdart. Éditions Thierry Magnier, 2013.

L’Argent, Marie Desplechin, Emmanuelle Houdart. Éditions Thierry Magnier, 2013.


L’argent n’est ni facile, ni dû, ni une solution à tout. L’argent ne fait pas le bonheur, c’est le nerf de la guerre. L’argent peut manquer, se gagner à la sueur de son front, être volé ou dilapidé. On peut hériter d’argent, mon père me dit qu’il faut trois générations pour défaire un héritage. On peut être vénal, choisir de ne plus en faire une monnaie d’échange, faire comme si jamais il ne manquait, se faire de l’argent sur le dos des autres.
Je peux filer la métaphore longtemps, mais voilà, la question est toujours là, au coeur de la condition de l’homme né moderne, ultra présente chez l’homme post-moderne. Marie Desplechin écrit ici un conte contemporain au fil de douze monologues saisissant les rapports variés à l’argent. Elle arpente les versants symboliques de la monnaie, la monnaie comme vecteur d’échanges pas que pécuniaire. Derrière l’argent, se lovent des transactions sous-jacentes -affective, assassine, solidaire, vengeresse, salutaire. Marie Desplechin brosse une galerie de personnages aux caractères marqués. De ces contrastes jaillissent des relations forcément compliquées ; les relations tortueuses que chacun entretient avec l’argent. Tout ce petit monde, la dynastie centrale du récit et les amis, sont assez hauts en couleurs, grâce à la palette vive et baroque d’Emmanuelle Houdart.
Le livre se construit en douze chapitres autour des personnages principaux et s’articule en un arbre généalogique dont chaque branche est un élément saillant de la famille. Chaque chapitre s’intitule du prénom des protagonistes, en quelques mots un incipit propose une orientation de son rapport à l’argent – et aux autres.
Parution octobre 2013 / 27,5 x 37 cm / 56 pages
ISBN 978-2-36474-305-2
prix indicatif : 21.90

Mots et toile

Livres !

Livres !

Livres !, Écrit par Murray McCain et illustré par John Alcorn, Éditions Autrement 2013.


Jour neigeux venteux blanc sur la ville rose. Bon en quelque sorte ça tombe bien, dans le sens où c’est l’hiver avant tout, et ça tombe bien aussi si vous avez ce livre sous la main. Un livre qui s’intitule Livres ! ne laisse aucun doute sur son contenu : il s’empare très bien de son sujet, les choucas. Paru en 1962 aux États-Unis il ressort SEULEMENT en 2013 aux Éditions Autrement. Et ce n’est pas un luxe, pas superflu, encore moins saugrenu. Les livres produisent un tas d’effets, j’y recherche ou j’y trouve des choses très différentes, qui varient même selon le moment de la vie où je les lis, plus rarement les relis. Le même livre a plusieurs épaisseurs. Je parle bien sûr ici du sens, mais le fond sans la forme ne serait rien du tout, il n’atteindrait pas grand’chose ou pas grand’monde. Là réside toute l’intelligence de ce petit format cartonné à la police de caractères délicieusement rétro et aux coloris super méga flashy = le trio magenta-ocre-orange a aimanté mon regard comme un stroboscope dans la blancheur éclatante de la bibliothèque. Livres ! est d’ailleurs paru dans la collection « Vintage » des Éditions Autrement.
Livres ! ressort des oubliettes avec cette réédition et sa toute première traduction en français. La France qui aime tant les livres, les prix littéraires, les saisons littéraires, les romanciers, les lecteurs et les lectrices, les bibliothèques et les librairies, laisse volontiers les anglo-saxons concevoir ce genre d’opus inclassables qui présentent la richesse et la puissance de la lecture, des livres et de l’imagination. Livres ! n’est pas épais, n’est pas bien haut, il a l’élégance de sa condition : tout faire tenir de son vaste sujet en quelques pages (d’ailleurs, il n’y a pas de pagination). Un livre c’est de la cellulose, du papier, des pages, des mots, des images, des lettres jolies imprimées aujourd’hui qui ont remplacé les lettrines fabuleuses des manuscrits et autres incunables. Dans Livres ! justement un soin tout particulier est apporté aux caractères, à la mise en page et à la couleur : efficacité du propos, liberté d’interprétation des textes : autant de supports à tant d’autres livres.
Évidemment en cinquante ans il y a du changement, le passage de la page papier à l’écran qui fait tout défiler si vite étant sans doute le plus conséquent, mais le livre matériel remplit encore bien des étagères. Une prouesse graphique et un contenu synthétique qui ouvre les possibilité infinies de l’aventure qu’est la lecture. Voilà pourquoi j’ai eu envie d’écrire quelques lignes sur ce Livres ! N’oubliez jamais, si vous avez perdu votre billet d’avion pour Calcutta, si votre aller-retour Bordeaux-Namur a connu les affres du tambour du lave-linge, si votre Fiat 500 a rendu l’âme, si le co-voiturage n’arrive pas jusqu’à chez vous, si la station de Vélib’ la plus proche n’en contient plus aucun, prenez un livre dans votre bibliothèque : voyage garanti.
Mini format, poids plume, richesse graphique, chromatique et symbolique : bingo pour ce petit livre sur les livres. Vous pouvez (vous l’) offrir sans retenue.
Un mot en particulier ou plutôt une page a retenu mon attention : « Chaque mot a un sens, sauf peut-être supercalifragilisticexpialidocious » appris-je dans Livres ! Si le terme presque imprononçable et insensé fut popularisé grâce à Mary Poppins dans la bouche de Julie Andrews (Walt Disney, 1964), j’aimerais en connaître l’origine, qui à mon avis, ne sera jamais rien d’autre que plus ou moins exacte. Les auteurs de ladite chanson, les frères Richard M. Sherman et Robert Sherman expliquent que ce mot leur est venu lors d’un jeu pendant leur enfance. Bien. Une autre explication tout aussi sujette à caution renvoie au jeu littéraire des homophonies approximatives. Dans la langue de Shakespeare, cela donne un propos sur le Mahatma Gandhi qui serait « super calloused fragile mystic hexed by halitosis ». D’où le jeu sur les sonorités proches des mots qui aurait donné : supercalifragilisticexpialidocious. Je suis preneuse pour une autre hypothèse… même improbable et folle !
Livres !, écrit par Murray McCain et illustré par John Alcorn, © 2013 Éditions Autrement pour l’édition française. ISBN 978-2-7467-3348-0. 11,50€. Titre original Libri ! Publié pour la première fois aux États-Unis en 1962 par Simon & Schuster, Inc. © Topipittori Milan 2012.

Mots et toile

Trois dessinatrices captivantes

Longtemps, mes références en termes de dessins sont restées accrochées à mes années d’enfance et précisément à ce que renfermait la bibliothèque de mes parents. Ces attaches rimaient surtout avec des dos signés Hergé, Albert Uderzo, Charles Schultz, Gotlieb, Hugo Pratt, Moebius, sans oublier le génialissime Franquin. Tous sont des monuments de la ligne, et ces géants n’avaient pas de pendant. Puis Joan Sfar, son compère Lewis Trondheim ou plus récemment Bastien Vivès ont envahi mon espace. Leurs travaux plus trash, libérés de certaines contraintes m’ouvraient une voie différente de celles empruntées par leurs prédécesseurs. C’est en emmenant religieusement mes enfants à la bibliothèque que je suis tombée sans me faire mal du tout sur des albums jeunesse qui dépoussiéraient complètement mes classiques. Illustrés par Kitty Crowther ou Emmanuelle Houdart ces recueils semblaient venus d’ailleurs, je sortais d’une faille spatio-temporelle et découvrais enfin des univers graphiques plus proches de mes familles imaginaires, pour ne plus les quitter. D’aucuns répondront peut-être que puisque ce sont des nanas, c’est sans doute pour cela. Je n’en mettrais pas ma main au feu, toutefois Kitty Crowther, Marion Fayolle ou encore Camille Chevrillon sont trois dessinatrices à connaître. E. Houdart aussi, et j’en ai parlé la semaine dernière.
Kitty Crowther est la plus âgée des trois (quoiqu’elle soit une jeune femme), elle a déjà reçu de nombreux prix pour l’ensemble de son travail d’écriture et d’illustration pour la jeunesse*. J’aime bien noter que l’édition pense secteur « jeunesse » tandis que les auteurs-illustrateurs s’attachent plutôt à décrire leurs liens avec « l’enfance »… singulière différence. Kitty est née en Belgique, de parents anglais et suédois dont elle porte la blondeur et l’iris bleuté. Elle dit « Je garde un lien très fort avec l’enfance. D’abord parce que je ne voulais pas grandir. Ensuite parce que je ne voyais pas vraiment d’adulte intéressant » (c’est moi qui souligne). Comme Charlotte Perriand, Kitty Crowther garde un souvenir intact de ses vacances à la campagne. De la verte Hollande, elle conserve un rapport profond aux espaces arborés et à l’eau. Malentendante, la petite Kitty comprend le monde à travers l’observation des gens qui l’entourent : les poses, la gestuelle, la manière de se tenir et de faire. Elle dit réfléchir déjà aux histoires et se les raconter avant même de penser « dessin » : ce goût du scénario et de la mise en scène caractérise ses albums qui sont rarement bavards. Des objets du quotidien, des êtres humains, un peu, et des animaux qui constituent un bestiaire pour tous les publics, au service d’une émotion. L’ombre, la lumière, une unité de lieu souvent, les livres de Kitty sont une scène de théâtre. Un régal à coup sûr, tout au crayon de couleur… Ô bonheur !

alors ?, album. Kitty Crowther, Pastel, l'école des loisirs, 2006.

alors ?, album. Kitty Crowther, Pastel, l’école des loisirs, 2006.


L’édition 2013 du Festival de BD de Colomiers (31) présentait la tendresse des pierres de Marion Fayolle, dont j’ai imméditement aimé le trait franc et le traitement graphique doux mis au service, ici, d’un propos douloureux et grave. Dans cet album, Marion Fayolle aborde le thème du cancer de son père, et explore leur relation rude, parfois rugueuse comme certaines pierres. Son sens de la poésie, ses images narratives et remplies de références forment un travail très, très intéressant, qui est largement représenté dans la presse magazine française et étrangère. Elle a aussi collaboré avec la marque de vêtements Côtélac, qui fait régulièrement appel à des illustrateurs et illustratrices pour orner les sacs de ses boutiques. Elle a créé de très beaux motifs pour des robes. Marion Fayolle pour Côtélac c’est le duo gagnant pour mon amie Cécile
Dernièrement, son « petit recueil de dessins pronographiques et surréalistes » tel qu’elle présente Les coquins, vaut le détour. L’illustratrice déploie sur une soixantaine de pages des scènes pornographiques aussi humoristiques que poétiques. La référence au surréalisme réside entre autres dans la substitution des sexes par des objets ou des animaux, mais pas des godemichés, non, voyez par exemple la couverture :
Les coquins, Marion Fayolle, éditions Magnani, 64 pages, 9,90 €, deuxième édition juin 2014.

Les coquins, Marion Fayolle, éditions Magnani, 64 pages, 9,90 €, deuxième édition juin 2014.


L’escargot et la laitue sont des métaphores du phallus et du vagin, il y a aussi le crayon et le taille-crayon, les minous pour les chattes. Bref, un voyage sensible et métaphorique où le sens propre devient figure. À regarder sans modération ! Et son tout petit format permet de le faire passer sous le manteau (son petit prix aussi).
La jeune illustratrice Camille Chevrillon déroule un vocabulaire graphique puisé dans le quotidien et « génétiquement », viscéralement accroché à l’imaginaire. Je l’ai découverte à travers son travail collaboratif pour le livre-accordéon Encore un quart d’heure. Voir se déployer sur trente-deux pages les possibilités d’utiliser le quart-d’heure restant relève du bonheur le plus pur : les textes de Françoise Lison-Leroy et Colette Nys-Mazure questionnent le rapport au temps diffracté entre les générations. L’adulte évolue dans une sphère pressante, oppressante, dans laquelle le temps se compresse indéfiniment. L’enfant mène sa découverte à l’envi dans un réel tout autre, mû par les principes du ricochet et du ludique. Comment accorder ces deux entités apparemment aux antipodes l’une de l’autre ? À quoi peut-on bien employer ce dernier quart d’heure ? Toute l’inventivité onirique et personnelle de Camille Chevrillon trace son sillon dans le temps imaginaire, le temps vécu, le temps qui échappe, le temps qu’il reste. L’accordéon (le format du livre) offre une lecture ininterrompue de cette fraction, comme une fresque chronologique intime et vagabonde.
Encore un quart d'heure, Camille Chevrillon, Françoise Lison-Leroy, Colette Nys-Mazure, éditions Esperluète, 2012, Belgique.

Encore un quart d’heure, Camille Chevrillon, Françoise Lison-Leroy, Colette Nys-Mazure, éditions Esperluète, 2012, Belgique.


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Encore un quart d’heure, Camille Chevrillon, Françoise Lison-Leroy, Colette Nys-Mazure, 2012, 14€, 11,5 x 16,5 cm, 32 pages, Esperluète Editions, Belgique. Cet ouvage fait partie de la liste « La littérature à l’école-section maternelle » de l’Éducation Nationale.
*Notamment le prestigieux prix ALMA pour l’ensemble de son oeuvre en 2010.
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